Histoire de mon grand-père, relatée à partir de 1944 (18 ans)

Tokyo, 1944, la guerre de pacifique. Il subit.
Opéra italien, rêve d’un jeune japonais.
Conservatoire de Tokyo, il loupe l’examen.
La guerre continue, il est obligé de travailler dans une usine.
Des moteurs d’avion, pendant 5 mois.
Bombardement de Tokyo, son collègue qui travaillait juste à sa gauche, meurt. Il flippe.
Août 45, son père perd son business. Les actions deviennent des bouts de papier.
Le chômage domine le pays. Il décide de devenir professeur de l’école et renonce à son rêve de devenir chanteur d’opéra.
Au boulot, rencontre avec une belle femme. Plus âgée.
Envie de partager sa passion pour la musique.
Premier rendez-vous, opéra italien. Elle dors pendant tout le concert. Il décide de ne plus l’emmener voir de l’opéra.
Il adhère au parti communiste. Envie de partager son idéalisme.
Femme belle mais naïve et ignorante. Fille bourgeoise, il se rend compte.
Mariage. Elle tombe enceinte par accident.
Pas de moyen, il lui ordonne d’avorter.
Opération d'avortement, un jour de pluie.  Elle pleure. Il pleure.
Il se demande sur le sens de la vie. Il décide d’enterrer ses partitions.
Enceinte d’un deuxième enfant. Cette fois-ci, elle se bat pour la mettre au monde. Il poursuit sa lecture.
Sa femme le déteste. Elle le maudit tous les jours.
Il devient violent. Il la bat tous les soirs.
Elle pleure. Il pleure.
Sa femme le trompe avec un collègue. Il la bat encore plus fort.
Sa fille grandit. Elle a besoin d’un soutien gorge.
Par pure avarice, sa femme refuse d’acheter de soutien gorge à sa fille. Après deux heure d’engueulade : un, ok, mais pas deux.
La fille devient punk. Elle décide de vivre sans soutien gorge.
Il devient alcoolique.
Il est muté dans une île à 8 heures en bateau de Tokyo.
Seul, il passe les meilleures années de sa vie.
Oursins, il mange tous les jours. Son collègue lui apprend à peindre.
Il peint tous les soirs après le boulot.
Un matin vers 4h, il regarde le ciel presque bleu à travers la fenêtre de la cuisine. Il repense à sa mère.
Déjà 10 toiles. Il décide de prendre des cours de dessin. Les nus.
Mutation dans une école à Chiba. Il n’a pas envie de quitter l’île.
Sa femme ne lui parle plus depuis un moment. Sauf des reproches.
Il se trouve trop gros. Décide de perdre 20kg.
Il dispute avec sa femme tous les soirs. Sa fille ne sort plus de sa chambre après dîner.
Sa fille se marie. En quittant la maison, elle dit qu’il ne lui a jamais donné de l’amour.
Quotidiennement, sa femme lui parle de l’homme qu’elle a vraiment aimé quand elle avait 18 ans.
Premier petit enfant. Il décide de construire une maison pour sa fille.
Sa femme le trompe avec un patron du bar. Il la bat. Elle dit qu’il est un gros con.
Première exposition. Il vend quelques toiles.
A 6 heures du matin, il se promène sur la plage. Il aime regarder la mer.
Sur son cahier, il écrit des tanka.
Il rêve de partir au Portugal.
Décès de sa seule sœur.
La famille de sa femme le déteste. Il se fait traité de monstre alcoolique.
Sa femme se fait escroquer par une vendeuse de bijoux.
Dettes de 3 millions de yens. Plus de réserve pour la retraite.
Première exposition au Metropolitan Museum de Tokyo. Mais il déteste le monde de l’Art.
Sa femme est atteinte de la maladie d’Alzheimer. Il lui ordonne de ne plus conduire la voiture. Elle ne l’écoute pas.
Sa femme chute de l’escalier et brise sa colonne vertébrale.
Tous les jours, il va à l’hôpital pour la voir. Sa femme lui reproche de ne pas rester longtemps à l'hôpital, et le traite de mauvais mari.
Sa fille a un deuxième enfant. Il se déplace pour aller voir ses petits-enfants.
Sa femme devient handicapée. Il la ramène à la maison.
Tous les jours à 14h, il met des cachets dans l’anus de sa femme pour qu’elle puisse excréter. 17h, Il nettoie la merde.
Il se pose la question sur le sens de la vie.
Ses poèmes sont publiés régulièrement dans les journaux.
Il crache sur le parti communiste et les traite de menteur.
Après 5 verres de sake, inconsciemment il chante la Traviata et déprime.
Il écrit des lettres à sa petite-fille qui est en France.
Sa fille décide de partir en Angleterre et de quitter son mari. Ce soir, il boit 2 verres de plus que d’habitude.
Il arrête de peindre des natures mortes. Il regarde la mer.
Il passe ses après-midi à lire et à regarder son chat. Il peint des portraits de cantatrices italiennes.
Sa fille rentre de temps en temps au Japon. Il va la chercher à l’aéroport. Toujours une heure en avance.
Sa femme décède. Pour la première fois, il prend sa fille dans ses bras.
Il range les affaires de sa femme dans des cartons. Il s’inquiète de sa mort.
Il décide de laisser des notes à sa fille, pour le jour où il décèdera. Son chat meurt.
Il se promène de moins en moins. Il se sent lourd et fatigué.
Son médecin lui dit d’arrêter de boire. Il pense « autant mourir que de l’arrêter. » Mais ne lui dit rien.
Sa maison semble plus vide qu’avant. Il pense à son père.
Quel avare il était, se dit-il.
Il se demande sur le sens de la vie. Il conclut que la vie est une tristesse infinie.
Un soir, il s’allonge sur son lit, et décide de ne plus se réveiller.
Il fait sa dernière promenade sur terre.