Tokyo is far far far away [2006]

 

Quelques fois, on ne se rend pas compte,
quand on bosse tous les jours pour quelques choses,
ou qu'on vit tout simplement
aveuglément, pour quelques choses,
(Pour "cinema sake", une ambition, si si elle est encore là...)
je me dis :
"Eh, arrêtes-toi 3 secondes, petite"
Je m'arrête, c'était dans une des ruelles à Tokyo.
J'observe ce qui se passe autour de moi : des gens qui marchent, oui, aveuglément, qui vivent, oui, aveuglément. Et ces paysages, qui restent des décors de ce théâtre, pathétique. Oui, j'étais en plein milieu de la scène.
Des souvenirs qui traversent mon cerveau à une vitesse X sur année-lumière, et j'avais envie de chialer, de chialer comme un bébé, comme je fais de temps en temps, chialer, oui comme un bébé, pour me faire une petite vidange, des "trop de choses qui m'oppressent"
Ça vous arrive, quelques fois, d'avoir envie de tout arrêter. De crier en plein milieu d une ruelle : "Merci, couper!" ?
Moi oui, ça m'arrive même assez régulièrement.
Il y a quelqu'un qui me disait : "la vie n'est pas comme au cinéma, on ne peut pas dire couper, on recommence tout". Bah non, heureusement.


Dans cette ruelle à Tokyo, je me sentais très petite, très petite, écraser par mes souvenirs. Rafale. Triste pourquoi? la neige me manque, ces moments passés au Japon me manquent. On fait la maline, mais finalement, je ne suis qu'une seule créature, planquée à Paris, rêvant d'un rêve que je rêvais depuis des années. Bataille, combat, lutte, courses, déception, encore bataille, lutte, et j'ai envie de dire "merde". Merde à toi. Bordel.


Au Lycée, il y avait une copine qui était toujours la première de la classe. Vous connaissez sûrement ce genre de type "la fille qui est bonne à tout, toujours 20 sur 20, sinon 19 en cours, belle et sympa". T'es une wonderwoman ??
Bref, elle, dans mon école, elle s'appelait Léna. En plus joli nom. Après le Lycée, elle est allée dans une business school à paris, qui s'appelle ESSEC. Pas mal pour les connaisseurs. Elle était brillante, ma copine, elle s'est même présentée pour l'élection des étudiants représentants de l'école.... sa vie? brillante.
Mais un jour, elle a craqué. Oui, je pense qu'elle était en plein milieu d'une ruelle à Paris, et elle s'est dit :
"eh, arrêtes-toi 3 secondes, petite"
Et elle a chialé. Oui, je sais, elle a chialé.
La belle Léna, aujourd'hui elle s'est enfermée chez ses parents. A-t-elle revu le ciel?


Dernière parole crachée :
"Tu sais, j'ai couru, j'ai beaucoup couru dans ma vie, maintenant, je suis fatiguée. Très fatiguée"
Je ne l'aimais pas trop à l'époque, mais cette fille me touche. Frêle comme les fleurs de cerisier. Elle était belle, et elle est toujours très belle...

En pensant à tout ça, j'ai marché alors dans la neige à Kamakura, pas très loin de Tokyo, pour aller voir la mer. La neige était fraîche, et la mer était calme. Des enfants qui s'entraînaient le baseball, couraient la plage, dans la neige, devant moi. Ils criaient pour ne pas avoir froid... Je me retourne, Lucas, un ami Français qui habite au Japon, m'attrape. Il me fout dans la neige. Salaud.
Ce jour, la mer de Kamakura était pour moi, énorme.
Chez une copine, je suis tombée sur une photo de Léna. Elle rigolait, dans un énorme pré, seule sur la photo, un peu timide, elle baissait la tête, pour éviter le focal fixe. Comme si un amoureux essayait de lui prendre en photo.. pour conserver sa beauté. On fait toujours la timide devant la caméra, messieurs. Elle avait l'air d'être heureuse, très heureuse.
A-t-elle revu le ciel comme avant ?


Sur la plage de Kamakura, Lucas me prenait en photo. Je vous ai déjà dit, on est toute timide devant la caméra, messieurs ! Je pense qu'il savait que j'allais m'envoler encore ailleurs, courant après mon rêve que je rêve, ces rêves... Conservait ces moments éphémères, dans des photons argentés... pour pleurer ? Souriais-je comme Léna devant son amoureux?


C'était dans une ruelle à Tokyo, je me suis dit :
"Eh, arrêtes-toi 3 secondes, petite"
Je m'arrête, oui 3 secondes, pour respirer un bon coup, et je suis repartie.